APESANTEUR
"Je ne suis ni amatrice ni observatrice d'oiseau. J'ai un rêve récurrent. Un rêve que je fais depuis qui je suis petite alors que j'habitais une ruelle étroite de l'est de Téhéran. Dans ce rêve, je vole. Enfin, je ne vole pas vraiment comme le ferait un oiseau, mais plutôt comme si j'étais en apesanteur. Je pousse sur le sol avec les pieds et je décolle. Toute légère, j'entre dans un espace réel, mais différent.
C'est dans cet autre endroit que je me trouve quand je ne suis pas ici. Mes images proviennent de ces rêves.
Je courais devant une file d'enfants du quartier dans l'étroite ruelle de mon enfance. Je courais de plus en plus vite, jusqu'à ce que courir devienne plus facile et que mes pieds quittent le sol. Les autres enfants qui couraient derrière moi finissaient eux aussi par se mettre à flotter. Ils s'accrochaient tous à une corde que je tirais dans les airs, sans effort.
Ceci était le premier rêve.
Ce n'est que l'apesanteur ou le fait de m'envoler qui me fascine dans ces rêves. C'est la transformation de mon contexte physique.
Détachée du sol, je pénètre dans un monde que mon corps connaît d'une façon ancienne et rassurante. Un monde de forêts aux grands arbres vus du ciel, de plans d'eau peu profonds à la surface calme et lisse. Je survole de vastes plaines qui convergent vers des vallées escaprées, sans craindre la chute.
Les couleurs se fondent et les détails se substituent les uns aux autres. De grands châteaux et de hauts édifices deviennent accessibles de tout côté. Aucune règle ne s'applique dans mes rêves volants et tout reste en transition.
Quand j'avais huit ans, j'ai sauté du balcon du deuxième étage de la maison, le parapluie noir de mon père à la main. J'espèrais m'envoler plutôt que d'atterrir douloureusement dans la cour.
J'ai découvert la télévision pour la première fois à l'âge de dix ans. Et une des premières images que j'ai vues à l'écran était celle d'un coureur qu'on montrait au ralenti. Entre chacun de ses pas, le corps du coureur s'élevait doucement dans l'air comme en apesanteur et se posait tout en douceur sur le sol, comme s'il avait le choix.
Ignorant tout de la technologie du ralenti, j'étais hypnotisé par la maîtrise que le coureur avait sur son corps. Alors qu'il se frayait un chemin dans l'air, le monde autour de lui se métamorphosait. Les détails disparaissaient et les couleurs se mêlaient. Le coureur évoluait dans un monde qui soulevait son corps et le laissait flotter avant de le reposer doucement.
J'ai passé des jours entiers à imiter les mouvements du coureur au ralenti dans cette même cour où j'avais atterri après mon vol raté du balcon du deuxième étage.
Depuis plusieurs années, j'ai crée une collection d'images qui renvoient à l'endroit que j'habite dans mes rêves volants. Les pigeons, menant leurs vies parallèles parmi les citadins, sont des sujets fréquents. Je les regarde prendre leur élan sur leurs petites pattes rouges et s'envoler dans un espace que nous partageonsm mais qui nous est inaccessible. J'imite leur envol avec mon appareil. Mais images décrivent cet autre endroit."
Yassaman Ameri
Janvier 2009
Montréal
"Je ne suis ni amatrice ni observatrice d'oiseau. J'ai un rêve récurrent. Un rêve que je fais depuis qui je suis petite alors que j'habitais une ruelle étroite de l'est de Téhéran. Dans ce rêve, je vole. Enfin, je ne vole pas vraiment comme le ferait un oiseau, mais plutôt comme si j'étais en apesanteur. Je pousse sur le sol avec les pieds et je décolle. Toute légère, j'entre dans un espace réel, mais différent.
C'est dans cet autre endroit que je me trouve quand je ne suis pas ici. Mes images proviennent de ces rêves.
Je courais devant une file d'enfants du quartier dans l'étroite ruelle de mon enfance. Je courais de plus en plus vite, jusqu'à ce que courir devienne plus facile et que mes pieds quittent le sol. Les autres enfants qui couraient derrière moi finissaient eux aussi par se mettre à flotter. Ils s'accrochaient tous à une corde que je tirais dans les airs, sans effort.
Ceci était le premier rêve.
Ce n'est que l'apesanteur ou le fait de m'envoler qui me fascine dans ces rêves. C'est la transformation de mon contexte physique.
Détachée du sol, je pénètre dans un monde que mon corps connaît d'une façon ancienne et rassurante. Un monde de forêts aux grands arbres vus du ciel, de plans d'eau peu profonds à la surface calme et lisse. Je survole de vastes plaines qui convergent vers des vallées escaprées, sans craindre la chute.
Les couleurs se fondent et les détails se substituent les uns aux autres. De grands châteaux et de hauts édifices deviennent accessibles de tout côté. Aucune règle ne s'applique dans mes rêves volants et tout reste en transition.
Quand j'avais huit ans, j'ai sauté du balcon du deuxième étage de la maison, le parapluie noir de mon père à la main. J'espèrais m'envoler plutôt que d'atterrir douloureusement dans la cour.
J'ai découvert la télévision pour la première fois à l'âge de dix ans. Et une des premières images que j'ai vues à l'écran était celle d'un coureur qu'on montrait au ralenti. Entre chacun de ses pas, le corps du coureur s'élevait doucement dans l'air comme en apesanteur et se posait tout en douceur sur le sol, comme s'il avait le choix.
Ignorant tout de la technologie du ralenti, j'étais hypnotisé par la maîtrise que le coureur avait sur son corps. Alors qu'il se frayait un chemin dans l'air, le monde autour de lui se métamorphosait. Les détails disparaissaient et les couleurs se mêlaient. Le coureur évoluait dans un monde qui soulevait son corps et le laissait flotter avant de le reposer doucement.
J'ai passé des jours entiers à imiter les mouvements du coureur au ralenti dans cette même cour où j'avais atterri après mon vol raté du balcon du deuxième étage.
Depuis plusieurs années, j'ai crée une collection d'images qui renvoient à l'endroit que j'habite dans mes rêves volants. Les pigeons, menant leurs vies parallèles parmi les citadins, sont des sujets fréquents. Je les regarde prendre leur élan sur leurs petites pattes rouges et s'envoler dans un espace que nous partageonsm mais qui nous est inaccessible. J'imite leur envol avec mon appareil. Mais images décrivent cet autre endroit."
Yassaman Ameri
Janvier 2009
Montréal